(TW féminicide, violence masculine)
Laëtitia, ou la fin des hommes est un livre transverse, à mi-chemin entre l’essai sociologique, la biographie, l’oraison funèbre, le récit d’enquête. Le sujet est Läetitia Perrais, jeune femme de 18 ans, qui a été tué à Pornic en 2011 par Tony Meilhon. Un fait divers qui est devenu une affaire nationale quand la présidence a repris l’affaire pour justifier un durcissement des peines de récidive.
Les chapitres, très courts, alternent entre les témoignages des proches qui esquissent le portrait de Laëtitia Perrais, les portraits révélateurs de ses proches, les témoignages des enquêteurices, membres de la justice, journalistes qui ont suivi/traité son dossier, le récit de l’enquête ainsi que ces évènements marquants.
Le fil conducteur est de montrer à quel point la vie de Laëtitia Perrais a été fragmenté et malmené par les hommes et par l’Etat français (au sens des institutions et au delà de leurs meilleures intentions et du professionnalisme des membres qui la constituent) : car si Tony Meilhon reste son meurtrier ou son assassin, il n’est pas le seul qui a affecté durement sa courte vie. En suivant le chemin pris par Laëtitia et sa sœur jumelle Jessica, très présente dans le livre qui lui est à juste titre dédié, Ivan Jablonka pointe les problématiques derrière les placements des enfants dans les foyers (note: il a écrit plusieurs ouvrages à ce sujet), critique la récupération politique de l’affaire ainsi que l’insuffisance des moyens de la justice, qui ont été critiqué à tort de laxisme,
C’est un livre dur, violent, et fortement trigger sur de nombreux sujets : féminicides, violences conjugales, violences sexuelles, lesbophobie, validisme : sans voyeurisme, les phrases de Ivan Jablonka racontent la noirceur de l’humanité. Les faits divers évoqués – que je ne peux citer, même en exemple pour ne pas tomber dans un voyeurisme – sont violents et glauques, et il est difficile de toujours avoir un recul tant les faits sont épouvantables.
Le livre traite d’un sujet délicat, et on ne peut pas passer outre -l’auteur s’interroge explicitement sur ce sujet dans le livre- la question: est-ce qu’un homme peut écrire ce livre ?
Personnellement, il y a des angles de vision et des tournures de phrase qui m’ont fait clairement tiquer (TW en tête, le père biologique de Laëtitia qui est relativement positif alors qu’il a tué psychologiquement la mère biologique, ce qui a eu des conséquences durables sur ses filles TW) : le livre est bon mais devient, malgré les bonnes intentions, au moins en partie, le problème. Je ne sais trop si je dois conseiller la lecture, et la déconseille clairement si les sujets risquent d’être trop trigger pour vous.
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